Alors que cette pratique se démocratise largement avec tous types de profils et aucune formation obligatoire pour l’instant, son encadrement scientifique technique et règlementaire des pratiques constituent une condition sine qua none à la légitimation de cette discipline. Alors, comment gérer de manière responsable d’un intermédiaire vivant, doté d’un comportement autonome, dans une relation triangulaire thérapeutique ?
Qu’est-ce que le bien-être animal?
En médiation animale, l’animal est une sorte de Syngué Sabour, cette pierre de patience absorbant tel un réceptacle les joies, les peines, tout ce que les bénéficiaires vont pouvoir lui confier. Il y a une notion de vase communiquant entre les affects du chien et de la personne, or l’animal “imbibe” beaucoup de choses.
La littérature à propos des animaux d’assistance ou de médiation porte davantage sur le bien-être procuré sur l’humain par la présence de l’animal que le bien-être de l’animal lui-même. Or le bien-être des uns ne doit pas se faire au détriment du bien-être des autres !
L’ANSES a rendu un avis en 2018 sur le bien-être animal (BEA) en le définissant de manière multidimensionnelle : non plus uniquement comme physique mais aussi psychique: “l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal.”
Ce qui est nouveau dans cette définition, c’est qu’elle met en avant la notion d’”attente”. Le bien-être n’est plus seulement considérée comme l’absence de signes négatifs mais aussi par l’observation de signes positifs. La bonne santé de l’animal et l’absence de stress ne suffisent pas. Il est attendu qu’on se soucie aussi de ce que l’animal ressent, des perceptions subjectives déplaisantes, comme la douleur et la souffrance, mais aussi rechercher les signes d’expressions d’émotions positives satisfaction, plaisir)
Dans le cadre de l’utilisation des animaux, de manière générale, des règles ont été établies depuis plus d’une trentaine d’années pour garantir leur bien-être quel que soit le type d’utilisation qui en fait, notamment en France, depuis la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature. En termes de médiation animale, des formations diplômantes garantissent des connaissances sur le bien-être des animaux : on y apprend à décoder le comportements des animaux et détecter les signes d’inconfort ou de mal-être chez l’animal.
Eduquer l’animal de médiation pour le préparer au stress
L’idée de la préparation repose sur la prise en compte du stress potentiel engendré par des éléments nouveaux pour l’animal du fait de la médiation. Ces éléments peuvent apparaître au moment du transport ou au moment de l’atelier lui-même. Ils peuvent être liés à l’environnement ou aux publics rencontrés. La préparation est donc indispensable quelque soit le tempérament ou l’espèce de l’animal.
Une des pistes est introduire les stimuli pouvant provoquer du stress ou de la peur au chien pendant sa croissance, son éducation. Par exemples, les cris d’enfants, les gestes brusques pouvant exister chez les personnes atteintes d’autisme qui ont des gestes stéréotypés, les fauteuils roulants, les cannes… De même, l’utilisation de méthodes d’éducation positives basées sur la récompense semblent bénéfiques sur le bien-être des chiens car elles sont liées à une augmentation de l’apprentissage et une relation équilibrée avec le maître et son entourage.
Comment détecter les signaux de mal-être chez l’animal médiateur ?
Prenons l’exemple du canidé. Chez un chien subissant un stress, on peut observer une augmentation de la fréquence des vocalisations, ainsi que des éléments comportementaux associés à la peur et au stress comme le léchage de truffe, le fait de lever les pattes ou d’adopter une posture basse. Un stress plus important peut inciter les chiens à adopter un comportement thermorégulateur avec des halètements et un hypersalivation. Il peut aussi développer des stéréotypies, qui peuvent persister une fois l’animal remis dans de meilleures conditions.
La connaissance et la prise en compte du bien-être animal est un des chevaux de bataille de la Fondation Sommer, qui encourage les acteurs de terrain à travailler en collaboration avec des vétérinaires comportementalistes et éthologues.
Françoise Roye, formatrice à l’Atelier des Zanimo (Arras), a eu une idée pour “prendre la température” de l’humeur de son chien avant d’aller en séance : elle lui présence un jouet qu’elle n’emporte qu’en séance et évalue son enthousiasme. C’est un premier indicateur de l’état d’esprit de l’animal médiateur !
Il revient à l’intervenant en médiation de détecter ces signaux et être capable de mettre des limites lors des séances lorsque le chien en a marre, lorsqu’il souffre de la chaleur ou qu’il a été trop sollicité. Il convient évidemment de se soucier de ces sujets hors séances également, en laissant par exemple le chien se défouler pour se décharger de tout ce qu’il aura pu accumuler.
Protéger les bénéficiaires
Qui dit relation triangulaire dit triple responsabilité : la sécurité du bénéficiaire, celle du l’animal et la pertinence de l’apport thérapeutique pour le bénéficiaire. Les trois notions sont liées : le souci de la sécurité du bénéficiaire passe par le souci du bien-être animal et le respect de ses limites. L’enjeu de la responsabilité met directement en avant le principe de précaution expliqué par plusieurs auteurs. Hervé Chneiweiss* définit le principe de précaution comme une approche de gestion des risques qui dans une situation d’incertitude se traduit par une exigence d’action.
Ce principe soutient que “dans l’ignorance mieux vaut s’abstenir de poser un geste ou encore mieux prendre le temps d’aller chercher les informations manquantes”. Il suggère aussi de “faire référence à un autre intervenant ou un autre professionnels de la santé lorsque le besoin s’en fait sentir.” Autrement dit il faut être capable d‘évaluer nos connaissances et de reconnaître que notre champ de compétence est dépassé. Être intervenant en médiation animale c’est rester humble, agir en coordination avec les équipes pluridisciplinaires dans le cas d’un établissement d’accueil par exemple.
Mélanie Pelletier, éthologue, a mené une étude sur l’éthique de la médiation animale et y consacre un chapitre dans l’ouvrage Zoothérapie, quand l’animal devient assistant-thérapeute (Ed. Marcel Broquet). Elle évoque l’aspect de l’intégrité comme condition sine qua none da la confiance du public envers cette pratique. “Celle-ci comporte plusieurs aspects, l’honnêteté constituant le lien entre chacun d’eux. Un intervenant ne doit en aucun cas abuser de la confiance que le patient lui accorde. Il est tenu de ne pas tenter de dissimuler un accident ou un incident. L’intégrité concerne aussi la gestion des dossiers. Ces derniers ne doivent jamais contenir des informations fausses ou encore être dépourvu d’information pertinentes. Enfin l’intégrité existe que l’intervenant possède une connaissance complète de la situation ou du traitement avant de donner son avis au-dessous mettre un bénéficiaire à une thérapie.”
En conclusion, si la réflexion sur les valeurs fondamentales d’une profession est toujours pertinente, elle l’est davantage lorsqu’on parle d’une profession naissante en quête de légitimité sociale. L’éthique est un moyen efficace de s’assurer de la qualité des actes professionnels car elle se renouvelle plus vite et plus souvent que les lois. La publication de Chartes déontologiques (Institut français de zoothérapie, AZCO…) va en ce sens.
*docteur en médecine et docteur en science, directeur de recherches au CNRS