Libérer la parole des victimes grâce à l’animal: le chien
C’est de plus en plus courant : on peut les voir déambuler dans les hôpitaux, les Ehpad, dans les écoles… Les voici maintenant dans les tribunaux ! Les animaux (souvent des chiens) médiateurs sont partout… Les bénéfices de leur présence apaisante, en tant que soutien, confident, ne sont plus à prouver. Et les sphères dans lesquels ils interviennent d’étendent au cours des années.
L’idée vient, comme souvent, des Etats-Unis : faire intervenir un chien d’assistance afin de soutenir les victimes lors de leurs témoignages. Dans les dossiers très délicats tels que les infractions sexuelles, violences aggravées… il est parfois difficile, pour les forces de l’ordre ainsi que les juges, de libérer la parole des victimes, notamment celle des enfants.
Le chien est un soutien psychologique avec des bénéfices secondaires en termes de réduction de stress. Selon les dernières études américaines sur le sujet, plus de 80% des bénéficiaires verbalisent les faits au contact du chien contre seulement 30% hors sa présence.
L’approche proposée est un véritable levier, un catalyseur dans le fait de déposer une parole et d’élaborer un récit bien souvent issu d’un trauma.
Selon Gilbert Mouthon, professeur vétérinaire et expert inscrit près la Cour de cassation, « nous assistons à l’importance grandissante de la contribution que les animaux peuvent apporter à la justice. Si les animaux ne sont plus uniquement de fidèles compagnons et tendent à devenir de véritables acteurs de la justice, il faudrait par conséquent songer à créer un statut de l’animal dans le procès pénal. »
Cette pratique est arrivée en France en premier lieu au tribunal de Cahors, dans le Lot. Le concept a fait ses preuves, en particulier auprès des enfants. “On sait que lorsque le chien est là, le rythme cardiaque des enfants baisse. La mesure du stress baisse. Donc c’est quelque chose qui est vraiment utile“, affirme Jérôme Moreau, le président de l’association France Victimes 58 – Andavi interviewé par France 3. (un chien recruté par le tribunal pour faciliter la libération de la parole des victimes)
Et pour cause, le tribunal de Nevers accueille lui aussi dans ses murs, depuis le 12 février 2021, un chien d’assistance de race Golden Retriewer prénomé Ouchi.
Là-bas, ce chien d’assistance judiciaire est amené à intervenir à tous les niveaux de la procédure judiciaire. Autrement dit dès le dépôt de plainte ou de la première audition de la victime auprès des forces de l’ordre, jusqu’au moment du jugement. Voire même pendant la phase d’instruction
Deux premières expériences ont permis de libérer la parole. Dans la première affaire, une fillette, convoquée pour un entretien à la brigade de gendarmerie, avait refusé de descendre du véhicule de ses parents. Au moment de la seconde convocation, elle était mise en contact avec LOL sur le parking et acceptait de le suivre. Elle a parlé pendant 40 minutes sans jamais lâcher le chien assis à côté d’elle et s’est même directement adressée à lui. Dans une seconde procédure, où l’enfant était moins attendri par le chien, ce dernier a su adapter son comportement afin d’apporter la confiance nécessaire à l’enfant pour être auditionné.
Améliorer le fonctionnement de la justice ?
Dans une situation où l’on souhaite recueillir le témoignage d’un enfant ou adolescent ayant subit des violences de la part de leurs parents par exemple, les auditions sont très délicates dans la mesure où souvent, la confiance portée à l’adulte est rompue ou très fragile. Pourtant, les victimes font immédiatement confiance au chien. C’est ce sentiment de sécurité qu’apporte l’animal qui va faciliter le regain de confiance envers les adultes. Un mécanisme qui peut ouvrir la porte de la résilience grâce au sentiment de sécurité retrouvé pour la victime. C’est aussi la possibilité pour la justice de mieux fonctionner, en quelque sorte : la présence du chien va améliorer le processus d’exposition des faits. Le stress de revivre un trauma lors de son témoignage a souvent pour conséquence d’affecter les capacités des victimes à s’exprimer.
Les chiens médiateurs qui travaillent dans le système judiciaire apportent un soutien dénué de jugement au cours des formalités d’investigations ou des procédures légales, autant de moments où les professionnels interagissent avec les enfants de façon impartiale et avec réserve.
Cynthia Gevedon, enquêtrice judiciaire, témoigne : « Si Nanook ne parle pas, il lance néanmoins la conversation. Le fait de pouvoir bavarder en parlant de lui me permet d’effectuer une transition en douceur vers l’entretien en abordant l’aspect des « règles ». J’ai également constaté que Nanook sert en prétexte aux enfants pour faire une pause […] c’est comme si on lui donnait l’occasion de respirer avant de continuer, sans attirer l’attention »